The City of Absurdity The Straight Story
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David Lynch sur la route

Deux ans après le sinueux Lost Highway, le cinéaste emprunte les droits chemins de la champagne americana pour un road-movie au ralenti, The Straight Story

Texte et Photos Christophe D'Yvoire

David Lynch et Mary Sweeney qui a signe le scénario (a droite) retracent l'étrange voyage d'Alvin Straight (Richard Farnsworth), un paysan octogénaire.

     

Chemise blanche, caban noir, pantalon beige et chapeau mou, David Lynch s'empare de son mégaphone: "Action !" Sur la petite route de champagne bordée de champs de maïs, le camion-camera s'ébranle tout doucement, suivi par un vieux paysan au volant d'un minuscule tracteur.

Depuis cinq semaines, le cinéaste et son équipe parcourent ainsi la champagne américaine de 'Iowa, au sud-ouest de Chicago, pour tourner The Straight Story, l'histoire étonnante, voire loufoque, d'un paysan américain age de 80 ans, qui entreprend un voyage de 700 km en solitaire sur son tracteur, pour rejoindre son frère malade dans le Wisconsin. Une sorte de road-movie au ralenti (7 km/h, c'est la vitesse maximum du tracteur !), qui se suite a priori loin de l'univers habituel du maître du bizarre. Ici, pas de cauchemar à la Blue Velvet, pas de meurtres mystérieux à la Twin Peaks, pas de faux-semblants à la Lost Highway. Juste une histoire simple, sobre et droit comme le nom que porte son héros octogénaire: Alvin Straight.

C'est Mary Sweeney, la compagne de Lynch, mais aussi sa productrice et sa monteuse, qui a signé le scénario de The Straight Story. Partant d'un fait réel, elle a travaillé quatre ans sur le projet avant de le proposer a Lynch. "Je venais de lire trois scripts qui me plaisaient beaucoup, raconte le réalisateur. Il y avait donc peu de chances que je fasse celui-là. Mais j'ai été bouleverse par l'émotion qui s'en dégageait. L'histoire de cet homme simple qui se lance dans une ultime voyage vous ramène à des sentiments essentiels. Ça m'a fait penser à ma propre vieillesse, à mon père, a mon frère."

Si le cinéaste reconnaît qu'il aborde ce film d'une façon particulière ("Quand on filme son propre script, dit-il, on se sent libre de tout changer pendant le tournage. Ici, je me dois d'être fidèle au scénario"), sa méthode de travail est restée la même . Entouré d'une équipe légère, et malgré un rythme de travail ultra-rapide (seulement cinq semaines de tournage), il affiche une sérénité imperturbable. A la fois sûr de lui (il lui arrive souvent de ne tourner qu'une seule prise d'un plan), à l'affût du moindre imprévu (une vache qui passe, un orage qui gronde), constamment à l'écoute de ses collaborateurs (que ce soient les techniciens, dont le directeur photo Freddy Francis, avec qui il avait travaillé sur Elephant Man, ou ses acteurs, dont le vétéran Richard Farnsworth, Sissy Spacek et Harry Dean Stanton), David Lynch dégage sur le plateau une élégance de chaque instant. Cette élégance inspirée qui, précisément, donne à son cinéma cette aura si particulière.

"J'ai tout de suite été séduit par le voyage de ce vieil homme qui traîne avec lui le poids de toute une vie." David Lynch

  

A la manière d'un cirque ambulant, le cinéaste et son équipe suivent le déplacement de leur héros. Précède du camion-camera, ce dernier traverse le Mississippi, à la frontière de l'Iowa et du Wisconsin.

Avec son regard toujours décale, c'est une Amérique rurale très peu explorée au cinéma que David Lynch veut nous faire découvrir.

    

"C'est le récit le plus simple et le plus droit que j'aie jamais tourné. Mais je l'ai abordé comme tous mes autres films." David Lynch

  

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© Mike Hartmann
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